Le Moyen-Orient à feu et à sang

Entretien avec Antoine Basbous directeur de l’Observatoire des Pays-Arabes. Antoine Basbous est le directeur de l’Observatoire des Pays Arabes depuis près de trente ans. Sur son site figure une carte qui délimite son champ d’investigation qui va de Kaboul à Casablanca, avec au centre le Maghreb, le Moyen-Orient, les pays du Golfe. Notre entretien se concentre sur l’épicentre de la crise, ses conséquences humanitaires et les évolutions géopolitiques qui reconfigurent selon lui tout le Moyen-Orient aujourd’hui.

Alain Boinet. La Syrie vient de passer le cap des 10 ans de guerre avec des conséquences dramatiques pour sa population qui sur 22 millions d’habitants compte aujourd’hui plus de 13 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire et plus de 5,6 millions de réfugiés. Revenons au début du conflit pour comprendre : comment des dirigeants occidentaux ont-ils pu se tromper autant en pariant sur l’effondrement du régime de Bachar al-Assad ? Comment des pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite ou le Qatar ont-ils pu soutenir une rébellion, au début modérée, qui s’est ensuite transformée en groupes islamistes djihadistes comme Al Quaida et Daech ?

Antoine Basbous. Cette question est vaste. A vrai dire l’impopularité du régime de Bachar résultait déjà en 2011 de 41 années de pouvoir absolu (30 ans pour son père, 11 pour lui) d’une dynastie qui n’a donné que des larmes, du sang et de la répression à ce pays. Beaucoup d’analystes avaient pensé que le fruit était mûr, comme Ben Ali était tombé en Tunisie, Moubarak en Égypte, et un peu plus tard Kadhafi en Libye et Saleh au Yémen – et donc qu’Assad aussi pouvait tomber. Mais ils ont ignoré, ou du moins pas pris suffisamment en compte 3 facteurs :