Rapt des observateurs de l ’ONU : un acte « surprenant » de la part des rebelles Vingt-et-un observateurs de l ’ONU ont été enlevés mercredi sur le plateau du Golan. Pour Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe, les motivations des ravisseurs, qui s’en sont pris à une organisation de paix, laissent songeur. Par Nay NAAYEM / Wassim NASR (vidéo) Charlotte BOITIAUX (texte) Vingt-et-un observateurs de l ’ONU, faisant partie d’un détachement de 300 agents philippins en mission pour la Force chargée de l’observation du désengagement sur le Golan (FNUOD), ont été enlevés, mercredi 6 mars, par un groupe de rebelles syriens sur le plateau du Golan. Un rapt inédit en Syrie. Contactés par FRANCE 24, les ravisseurs, se réclamant de la brigade des « Martyrs de Yarmouk », refusent de se présenter comme des kidnappeurs. « Nous n ’avons pas pris le personnel de l ’ONU en otage. Ils sont nos invités. Nous assurons leur sécurité pour les protéger des bombardements perpétrés par l ’armée du régime sur la région de Deraa. » Alors qu’à New York, le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, le Français Hervé Ladsous, a précisé que des négociations étaient en cours, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a précisé qu’elle enquêtait sur cette brigade soupçonnée d’avoir récemment exécuté une dizaine de soldats gouvernementaux prisonniers. « L’ONU ne paye pas de rançon » Reste que les observateurs de la FNUOD sont toujours, pour l’heure, entre leurs mains. « Dans toutes les révolutions, dans tous les conflits, ce genre de dérives existent », explique Antoine Basbous, le directeur de l ’Observatoire des pays arabes, contacté par FRANCE 24. Bien souvent, les kidnappings sont l ’œuvre de miliciens en quête d ’argent pour s ’acheter des armes ou de « soldats lassés par les combats qui choisissent cette voie de facilité pour obtenir plus rapidement des résultats ». Seulement voilà, dans ce cas précis, les motivations des ravisseurs laissent perplexe. « Un tel acte est surprenant, complètement contre-productif pour la cause de la rébellion. Accuser l ’ONU de soutenir le régime de Damas est une chose, passer à l ’acte en kidnappant des observateurs en est une autre », commente Antoine Basbous, qui considère que les rebelles se sont engouffrés dans une impasse. « Les ravisseurs savent parfaitement que l ’ONU ne paye pas de rançon. Ils savent aussi qu ’ils ne peuvent pas porter atteinte à la vie des otages sans en subir de gravissimes conséquences. » « Faire passer les rebelles pour des ennemis d ’une organisation de paix » L’erreur stratégique des « rebelles » paraît si énorme aux yeux d’Antoine Basbous qu’elle l’amène à envisager une autre piste. En clair, ce rapt n’aurait-il pas été fomenté par une milice à la solde du régime de Bachar al-Assad ? Le spécialiste avance deux arguments. Premièrement : le choix de la cible. « Ce groupe s ’est attaqué à des observateurs de l ’ONU, à des gens œuvrant pour la paix dans la région. C ’est donc un acte lourd de sens », explique-t-il. Un acte surtout dont les retombées seraient bénéfiques pour le président syrien. « Cela servirait à noircir l ’image des rebelles, à les faire passer pour des ennemis de l ’organisation onusienne. » De fait, pour le spécialiste, il est « essentiel » d ’analyser ce rapt d ’un point de vue géopolitique. « Ces hommes ont été enlevés dans le Golan [une zone délicate qui n’est contrôlée ni par Israël ni par la Syrie, ndlr], Assad est peut-être en train d ’effrayer la communauté internationale en leur disant : ‘Vous voyez, si mon régime tombe, ces djihadistes vont s ’en prendre à Israël ». Pour l’heure, ni l’ONU, ni l’opposition syrienne n’ont fait de déclarations officielles pour accréditer cette thèse.