13/06/2006 Texte

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Al-Qaida déjà actif à Gaza ?

«Pour se rendre à Damas depuis Gaza, le ministre palestinien de l’Intérieur a dû traverser le Sinaï dans un taxi brinquebalant… parce que ses diplomates en poste au Caire refusent d’envoyer une voiture officielle!» Pour Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, le mal palestinien a un nom: le bicéphalisme.

«Il n’y a pas de cohabitation au sein de l’Autorité palestinienne. Vous avez d’un côté un premier ministre censé gouverner et de l’autre un président qui garde le contrôle des forces de l’ordre. Quand Mahmoud Abbas était premier ministre, il avait arraché à Yasser Arafat certaines de ses prérogatives. Maintenant qu’il est à la présidence, il les accapare. Comme dans bien des pays arabes, l’alternance politique, peu courante, ne fonctionne pas. »

«Le référendum est clairement une invention du président Abbas pour désavouer le Hamas, parvenu au pouvoir lors des élections de janvier. Est-il justifié de tenir une telle consultation six mois après les législatives? En réalité la fracture interpalestinienne s’aligne sur une fracture qui traverse tout le Moyen-Orient. D’un côté, le Hamas, Damas et Téhéran. De l’autre, les nombreux régimes arabes alliés à Washington et qui redoutent le succès d’une expérience islamiste en Palestine. »

«Avec en prime, dans la bande de Gaza, l’arrivée d’un outsider inquiétant: Al-Qaida, qui communique avec des bases arrière dans le Sinaï. On peut se demander si l’attentat qui a failli coûter la vie au chef du renseignement palestinien n’est pas déjà imputable à ce réseau. » (aa)

Le Hamas sur tous les fronts après le «coup d’Etat» d’Abbas

MONDE Proche-Orient

Rien ne va plus au cœur de l’Autorité palestinienne. Gouvernement et présidence se livrent une guerre pas toujours larvée. Une déchirure que le référendum annoncé pour le 26 juillet est encore venu aggraver.

MONDE Proche-Orient

Rien ne va plus au cœur de l’Autorité palestinienne. Gouvernement et présidence se livrent une guerre pas toujours larvée. Une déchirure que le référendum annoncé pour le 26 juillet est encore venu aggraver.

Encore deux morts hier. Dans la bande de Gaza, on ne compte plus les accrochages interpalestiniens entre activistes islamistes du Hamas et services de sécurité fidèles au mouvement nationaliste Fatah du président Mahmoud Abbas. Dans une ambiance de guérilla. Tandis que les premiers, lourdement armés, ouvrent le feu sur le QG des seconds à Rafah, des hommes masqués enlèvent durant deux heures Salah Al-Rantissi, frère de l’ancien chef du Hamas assassiné en 2004 par Israël.

A croire que les Palestiniens n’échapperont pas à la guerre civile. Une impression encore renforcée depuis que le président Abbas a annoncé samedi la tenue d’un référendum le 26 juillet, par lequel les électeurs sont appelés à reconnaître implicitement Israël (voir nos éditions de mercredi dernier). Une offensive immédiatement taxée de «coup d’Etat» par le premier ministre Ismaïl Haniyeh.

C’est que le Hamas a tout à craindre de ce référendum. Depuis des années, chaque nouveau sondage vient rappeler à quel point la population palestinienne souhaite voir aboutir rapidement des négociations avec Israël. Si en janvier un raz-de-marée électoral a permis au mouvement islamiste de prendre le pouvoir, c’était notamment pour réagir contre la corruption et l’immobilisme du gouvernement dominé par le Fatah. Mais aujourd’hui, comme hier, la population veut sans tarder un Etat où vivre en paix. De quoi faire vaciller le nouveau cabinet qui refuse justement de reconnaître l’Etat hébreu. C’est pourquoi les islamistes portent la contre- offensive sur tous les fronts.

La bataille juridique

Contester la «légalité» du référendum annoncé samedi par Mahmoud Abbas, c’était évidemment la première des batailles à mener dans un parlement largement dominé par les élus du Hamas, puisqu’ils occupent 74 des 132 sièges. Le Conseil législatif palestinien (CLP) a ainsi tenu hier une réunion d’urgence, au cours de laquelle les islamistes ont martelé que la Loi fondamentale (c’est-à-dire la Constitution palestinienne) ne prévoit pas la tenue d’une telle consultation. Et donc qu’un amendement est nécessaire… Un amendement que le Hamas balaierait !

Pour autant que les islamistes votent en bloc, ce qui n’est pas certain. Après tout, le texte que Mahmoud Abbas veut soumettre au vote populaire est soutenu par d’éminents membres du Hamas, détenus dans les geôles israéliennes. Par ailleurs, le Fatah a annoncé qu’il contesterait devant la Cour constitutionnelle la légalité d’un éventuel vote du CLP contre le référendum convoqué par décret présidentiel.

«De la poudre aux yeux! C’est une bataille d’arrière-garde», estime cependant Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes. C’est dans la rue que se joue le pouvoir.

Le boycott

Dans une interview parue dimanche dans l’hebdomadaire Der Spiegel, le premier ministre Ismaïl Haniyeh vient d’appeler les Palestiniens à boycotter la consultation du 26 juillet. Sans se faire trop d’illusions probablement. Car les sondages semblent indiquer que la population, lasse de l’interminable conflit israélo-palestinien, serait prête à approuver le référendum du président Abbas. «Mais méfions-nous des sondages! En janvier, aucun n’avait prédit la victoire éclatante du Hamas aux législatives», rappelle encore Antoine Basbous. «L’appel de Haniyeh démontre surtout sa peur d’être désavoué, car la population a faim. Les salaires ne sont plus versés. »

La spirale de la violence

Reste la carte de la provocation armée. Car enfin, on imagine mal les Palestiniens approuver la reconnaissance de l’Etat hébreu au moment même où des forces israéliennes ripostent à des attaques en exécutant des membres du Hamas! Ce n’est évidemment pas par hasard que les Brigades Ezzedine Al-Qassam, branche armée du mouvement islamiste, ont tiré samedi 14 roquettes artisanales, rompant leur trêve unilatérale pourtant en vigueur depuis dix-huit mois. Il s’agissait officiellement de riposter à la bavure meurtrière de l’aviation israélienne qui a bombardé vendredi une plage à Gaza, tuant sept civils palestiniens, dont un couple et ses trois enfants qui pique-niquaient tranquillement.

A se demander si les autorités israéliennes souhaitent vraiment le succès du référendum d’Abbas.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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