11/02/2009 Texte

pays

<< RETOUR

Basbous: "La future coalition israélienne sera ingouvernable"

Les élections législatives israéliennes n'ont pas dégagé de majorité claire à la Knesset. Pour Antoine Basbous, politologue et directeur de l'Observatoire des pays arabes, interviewé par leJDD.fr, le futur gouvernement devrait être parasité par la multiplicité des partis due au mode de scrutin à la proportionnelle. Une fragmentation du paysage politique qui entrave les perspectives de paix au Proche-Orient. Les leaders de Kadima, Tzipi Livni, et du Likoud, Benjamin Netanyahou, revendiquent tous les deux la victoire. Au vu des résultats de l'extrême-droite, quel gouvernement s'esquisse? Les électeurs israéliens n'ont pas vraiment tranché. Une seule chose se dégage: ils voulaient un nouveau visage. Celui de Tzipi Livni qui n'a jamais occupé le poste de Premier ministre. Mais, si on additionne les voix du Likoud et de l'extrême-droite - ce qui serait la coalition la plus probable -, Benjamin Netanyahou arrive bien devant la ministre des Affaires étrangères du gouvernement actuel. Le Likoud peut-il se passer du parti d'extrême-droite Israël Beitenou, dirigé par Avigdor Lieberman? S'il refusait la main tendue d'Israël Beitenou, Netanyahou deviendrait minoritaire et serait écarté de la course. Une autre option pourrait être théoriquement envisagée: que Lieberman offre son appui sans participer au gouvernement. Mais cela me semble très peu probable. Comment expliquer l'échec des travaillistes, alors que le parti Kadima, qui codirigeait avec eux le gouvernement, est arrivé en tête du scrutin? C'est l'usure chez les travaillistes. Le parti d'Ehoud Barak, qui régnait sur l'Etat hébreu de façon absolue depuis sa création jusqu'en 1977, a connu des épisodes peu glorieux lors de la dernière décennie. En premier lieu, l'ancien chef des Travaillistes et ministre de la Défense est jugé responsable, aux yeux de la population, de l'échec de la guerre de 2006 contre le Hezbollah, au Liban. Aussi, les électeurs ont sans doute estimé qu'Ehoud Barak, qui a déjà été un mauvais Premier ministre entre 1999 et 2001, n'avait pas suffisamment de poigne face au Hamas. Il y a certainement eu un large report des voix travaillistes sur Tzipi Livni. Autre argument pour l'électorat de gauche: le parti Kadima et Ehoud Olmert sont considérés comme les principaux artisans de l'offensive sur Gaza, qui a réhabilité l'image de l'armée israélienne. La "paralysie " des gouvernements La politique intérieure du pays risque-t-elle d'être affectée par l'opposition entre les grands partis dans les prochains mois? Il n'y a aucune majorité claire, lisible, qui se dégage de ces élections législatives anticipées. Il faudra attendre au moins deux longs mois avant d'entériner une coalition. Entre temps, Ehoud Olmert conservera les rênes du pays plongé dans un brouillard total. Quoi qu'il en soit, toute alliance n'aboutirait qu'à une coalition bancale qui ne réunira qu'une faible majorité à la Knesset [l'Assemblée des représentants du peuple d'Israël]. Autrement dit, le prochain gouvernement sera, comme les précédents, ingouvernable. Le Premier ministre sera très fragile. Et il faut ajouter à ce maelström la multitude de petits partis qui parasitent la vie politique et ralentissent l'action du pouvoir. Ce problème d'oppositions trop nombreuses ne vient-il pas du mode de scrutin des élections législatives? Evidemment. Ces élections législatives anticipées devaient clarifier le paysage politique. Il n'en est rien. La faute à un mode de scrutin ultra-proportionnel, qui privilégie des partis minuscules exerçant un chantage sur chaque nouvelle législature. Ce mode d'élection fragmentaire a déjà été réformé. Mais tant que les Israéliens ne l'auront pas totalement changé - au bénéfice d'un modèle français ou britannique -, leur mode de gouvernance restera ingérable. La montée en puissance du leader d'extrême-droite, grâce à ce mode de scrutin, est-elle synonyme d'un durcissement des Israéliens à l'égard des Palestiniens? Lieberman, ultranationaliste, cultive un certain racisme et axe son discours sur la menace des Palestiniens d'Israël, estimés à 20% de la population. Depuis 1967, les Palestiniens ne fuient plus l'Etat hébreu, préfèrent sortir le drapeau blanc devant l'avancée de Tsahal, restant ainsi sur le territoire. En exposant tout haut ce qu'une partie de l'électorat pense tout bas, Lieberman décomplexe et libère la conscience de nombreuses personnes. Par ailleurs, l'idée, que défend l'extrême-droite, du transfert des Palestiniens d'Israël en Cisjordanie peut faire son chemin. Cela pourrait aboutir à l'homogénéisation géographique de l'espace israélo-palestinien. Mais les Palestiniens ne sont pas mûrs pour accepter, à froid, une telle évolution.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |