29/12/2008 Texte

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Gaza: "Le Hamas instrumentalisé par l'Iran"

Propos recueillis par Marianne ENAULT Pour la troisième journée consécutive, Israël poursuit son offensive sur la bande de Gaza. Le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, dit vouloir mener une guerre "sans merci" contre le Hamas. Le bilan humain s'alourdit d'heure en heure. Pour leJDD.fr, Antoine Basbous, politologue et directeur de l'Observatoire des pays arabes, revient sur la situation au Proche-Orient. Après l'opération aérienne, l'offensive terrestre est-elle imminente à Gaza Je pense que l'offensive terrestre dans le sens large du terme n'aura pas lieu. Des incursions militaires sécurisées et des démonstrations de force sont possibles. Mais l'armée israélienne n'a pas envie de se retrouver enlisée au milieu d'une population d'1,5 million de Palestiniens. Israël ne renouvellera pas la tentative de 2006 au Sud-Liban*, qui s'est traduit par un échec. L'opération "Plomb durci" a-t-elle été motivée par les élections législatives prévues en Israël le 10 février prochain? Les agendas se sont croisés. L'Iran a poussé le Hamas au feu pour dire aux Etats-Unis et à Barack Obama qu'il faut traiter avec lui. Cela met en difficulté les régimes arabes, car leur opinion publique se retourne contre eux. Pour Israël, c'est une opportunité formidable. Après l'échec cuisant du Liban, l'Etat hébreu a besoin de rétablir son image et redevenir un symbole de la dissuasion. Et puis, c'est un moment de quasi-vide politique à Washington. C'est le moment parfait. Qui a pris cette décision: Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, Ehoud Olmert, Premier ministre par intérim ou Ehoud Barack, ministre de la Défense? C'est une décision concertée. Ils ont un intérêt convergent. Ehoud Olmert veut laver son honneur, après la défaite au Liban en 2006. Tzipi Livni veut montrer qu'elle peut faire du Benjamin Netanyahou sans Benjamin Netanyahou**. Ehoud Barak a besoin de montrer qu'en tant que ministre de la Défense, il sait protéger Israël. L'Iran veut entraîner le monde arabe La population israélienne, même à gauche, soutient cette opération... Ce n'est pas étonnant. Les Israéliens n'aiment pas être harcelés par des missiles. Mais cette opération ne va pas les soulager. Ils vont remporter cette bataille de Gaza mais ils n'obtiendront pas la paix. La paix, ce n'est pas la trêve, mais une solution durable à deux Etats. irigeants, le Hezbollah s'en est pris à l'Egypte... le monde arabe est-il divisé ? Sur le plan de l'émotion, tout le monde est ému par ces pertes civiles. Mais sur le plan de l'action, les pays arabes ont depuis longtemps abandonné les Palestiniens à leur sort. Ils sont solidaires dans la mesure de leurs moyens. La tactique du Hamas, instrumentalisé par l'Iran, est de tenter d'entraîner les Arabes du monde entier dans leur querelle. Mais les Arabes estiment qu'ils ont déjà assez donné. Existe-t-il un front commun entre l'Iran, le Hezbollah, le Hamas et les Frères musulmans en Egypte ? Oui. C'est l'axe iranien, le croissant chiite, qui, exceptionnellement, accueille les sunnites de la bande de Gaza. Téhéran entend ainsi se présenter comme le chef de l'oumma (communauté de croyants, ndlr) islamique. L'Iran veut parler au nom des Arabes. Mais ceux-ci n'ont pas intérêt à être le jouet de l'Iran dans cette démonstration de force adressée à Barack Obama. Ouverture d'un second front? Peut-on envisager l'ouverture d'un second front, à la frontière libanaise Je suis assez réservé sur cette hypothèse. Le Hezbollah a gagné en 2006 et n'a pas envie de remettre son bénéfice en jeu. Et ce d'autant plus qu'il est en train de traduire ce succès militaire en succès politique à Beyrouth. Mais si ses bienfaiteurs iraniens lui ordonnent d'agir, il agira. Mais cette fois-ci, Israël l'attend de pied ferme. Si le Hezbollah engage la confrontation, Israël voudra lui briser les reins de la façon la plus brutale. Que peut-il se passer dans les jours qui viennent? Cette guerre tombe à un moment de vide international. Le mandat de George Bush est finissant à la Maison blanche. Barack Obama n'est pas encore aux affaires. Nicolas Sarkozy n'est plus que pour quelques jours à la tête de l'Union européenne. L'ONU n'a jamais su imposer un processus de paix. Dans ces conditions, le levier le plus important est celui des médias. Les images diffusées à la télévision vont susciter l'émotion. Les opinions publiques vont demander à leur gouvernement d'arrêter ces massacres. Que peut-on attendre de Barack Obama dans ce dossier? Cette crise va sans doute pousser Obama à prendre ce sujet à bras le corps. Jusqu'ici, sa priorité était de relancer la locomotive économique américaine, puis d'obtenir des succès en Afghanistan et enfin de mettre en oeuvre un désengagement raisonnable des troupes américaines en Irak. Mais cette guerre a provoqué une incursion dans l'agenda d'Obama. Il sera obligé de s'en préoccuper. qu'il ne commentait pas les événements, George W. Bush étant au pouvoir jusqu'au 20 janvier... Il a pourtant réagi sur d'autres sujets. Cela veut donc dire qu'il n'a pas voulu réagir sur ce dossier. Il n'a pas les coudées franches. *Durant l'été 2006, Israël a combattu les militants du Hezbollah chiite au Liban. Une guerre de 33 jours qui s'est soldée par la victoire militaire du parti de Dieu. **Le leader du Likoud (droite), Benjamin Netanyahou, était en tête de tous les sondages avant le déclenchement de cette offensive. Vous aimez le traitement de l’actualité sur leJDD.fr ? Découvrez chaque dimanche, le Journal Du Dimanche en version PDF sur leJDD.fr ou dans un point de vente près de chez vous.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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