23/05/2008 Texte

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L'accord de Doha marque un effacement de la France au Liban (Papier d'angle)

PARIS, 23 mai 2008 (AFP) - L'accord de Doha sur le Liban, qui a consacré la victoire du Hezbollah chiite, allié de Damas et Téhéran, marque un effacement au moins temporaire de la France, contrainte d'accepter un résultat qui ne lui convient pas après avoir été très impliquée dans la résolution de la crise. "Il y a un effacement temporaire de la France, c'est incontestable", déclare Didier Billion, de l'Institut de relations internationales et stratégiques. "La solution retenue n'est pas celle qui convient à la France, ni aux Etats-Unis". "C'est un succès pour l'Iran en Méditerranée. On entérine une victoire militaire", déplore un diplomate français sous couvert d'anonymat, en référence au coup de force du Hezbollah à Beyrouth qui a précédé le compromis. Inquiète pour la sécurité de ses 1.600 hommes au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) en cas de guerre civile, la France a salué l'accord. Elle s'était dépensée sans compter de juillet à décembre 2007 pour débloquer la crise avant de se retirer faute de résultat. "Nous nous félicitons parce que notre métier c'est de voir le verre à moitié plein", explique le diplomate français, qui qualifie le compromis de "faux semblant". La France, qui a exercé un mandat sur le Liban de 1920 à 1943, s'est longtemps appuyée sur les chrétiens maronites, avant d'élargir ces dernières années ses appuis aux sunnites. Elle cherche à se présenter désormais comme "l'amie de tous les Libanais", y compris les chiites. L'accord conclu mercredi à Doha, qui met fin à un bras de fer de 18 mois entre la majorité parlementaire antisyrienne soutenue par les Occidentaux et l'opposition menée par le Hezbollah, donne à cette dernière gain de cause sur sa revendication principale: la minorité de blocage à l'origine de la crise. Le Tribunal international chargé de juger les suspects dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, créé à l'initiative de la France et devenu une pomme de discorde entre majorité et opposition, "a quelques soucis à se faire dans les mois à venir", dit Didier Billion. Pour Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, "à chaque fois que le gouvernement libanais devra statuer sur l'extradition de témoins, on risque de retrouver des oreilles sourdes". Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, qui avait accueilli en juillet une conférence interlibanaise et effectué sept voyages au Liban, a fait valoir que l'accord de Doha s'inspire "des principes qu'avaient retenus les parties libanaises lors de (son) dernier passage à Beyrouth en décembre 2007". L'un des principaux acquis dont pouvait se prévaloir la navette diplomatique française, celui d'avoir permis d'éviter que la lutte de pouvoir ne dérape en affrontements meurtriers, a été balayé par les violences intercommunautaires qui ont fait 65 morts début mai. Paradoxalement, c'est cette violence qui "a fait voler en éclats tous les facteurs de blocage", selon Didier Billion. "Le Qatar remporte un succès à chaud, alors que l'intervention de Kouchner s'est faite à froid : le pays n'était pas mûr", estime Antoine Basbous. Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales, relève que "la Syrie jouait la carte du pourrissement, pensant que cela allait jouer en sa faveur, ce qui n'est pas faux d'ailleurs". Mais le contexte peu favorable n'explique pas tout. La décision du président Nicolas Sarkozy de renouer les contacts "de haut niveau" avec la Syrie, avant de les suspendre de nouveau à la fin de l'année, prise sans coordination avec le ministre des Affaires étrangères, a provoqué "un dysfonctionnement de la diplomatie française", selon Antoine Basbous.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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