Attentat à Jérusalem
"La violence n'est pas née hier et ne va pas s'arrêter demain"
L'attentat contre un institut talmudique à Jérusalem-ouest est le premier de ce genre depuis trois ans sur le territoire israélien et a été salué par des manifestations de joie à Gaza. Quelle signification cela a-t-il ? Est-ce la fin définitive des pourparlers israélo-palestiniens en vue d'un accord de paix ?
- La guerre se poursuit, chacun avec sa méthode. Israël dispose des moyens technologiques les plus modernes, qui ont fait près de 140 morts la semaine dernière, lors des raids sur Gaza. Les Palestiniens ont moins de moyens. On ne sait pas encore qui est vraiment à l'origine de l'attentat, mais il est vrai qu'il y a une nouvelle donne, un nouveau seuil qui vient d’être franchi, car depuis plus de trois ans, il n'y avait pas eu d'attentat majeur sur le territoire israélien. Cet attentat est « qualitatif », puisqu'il frappe Jérusalem, au cœur même d'Israël. Il y a aussi la symbolique de l'école, de la religion.
Cet attentat, qualifié d'attentat "terroriste" par l'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, est-il la conséquence selon vous des raids israéliens menés sur Gaza la semaine dernière ? Cela a-t-il relancé l'escalade vers la violence ?
- La violence n'est pas née hier, elle ne va pas s'arrêter demain. Nous sommes dans un processus de guerre. C'est un acte terroriste, mais Israël en commet aussi. Cette guerre prend pour cible énormément de civils. A chaque fois que l’on s’en prend à des civils, de quelque côté que ce soit, ce sont des actes terroristes. On ne peut pas parler de terrorisme que lorsqu'il s'agit de morts civils israéliens.
Que les guerriers se fassent la guerre entre eux sans toucher aux civils ! Le mieux, c'est évidemment de faire la paix.
La communauté internationale est incapable de parvenir à une décision unanime pour condamner le massacre. En quoi cette attaque peut-elle compliquer encore les efforts qu'elle déploie pour parvenir à un accord sur la création d'un Etat palestinien ?
- Le Conseil de sécurité était divisé la semaine dernière sur les raids israéliens ; il est divisé cette semaine sur la qualification de ces actes. Tuer des civils palestiniens est-il un acte de terrorisme ou un acte de guerre ? Et tuer des civils israéliens ?
Par ailleurs, avec des Palestiniens divisés, un gouvernement israélien trop faible, cette paix n'arrivera pas d'ici la fin du second mandat de George W. Bush. Hier, le président américain n'avait pas la détermination ; aujourd’hui, il n’a plus le temps d’imposer aux uns et aux autres la pondération, l'équilibre et le courage qui doivent se conjuguer entre Américains, Palestiniens et Israéliens.
Ce regain de violence doit aussi être mis en perspective avec les agissements de l'axe syro-iranien. A la fin du mois de mars, la Syrie organise à Damas le sommet des chefs d’Etat arabes. Or, plusieurs dirigeants, comme ceux d'Arabie saoudite, d'Egypte ou de Jordanie, menacent de boycotter ce sommet en disant à la Syrie : "Tant que vous bloquez les élections présidentielles au Liban, nous ne viendrons pas".
Pour éviter cela, la Syrie, le Hezbollah et l'Iran appuient et soutiennent les attaques palestiniennes, afin de créer un climat qui force les chefs d'Etat arabes à venir manifester leur solidarité envers les Palestiniens. Pour la Syrie, l'enjeu de ce sommet est important. C’est pourquoi elle cherche à faire passer la crise palestinienne avant le compromettant dossier libanais.
Interview d'Antoine Basbous par Sibylle Laurent