14/05/2003 Texte

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Attentats de Riyad: «Les Saoud sont dans la gêne»

Quelle lecture faites-vous des derniers attentats de Riyad ?

C’était prévisible. Oussama Ben Laden considère que l’Arabie Saoudite est un Etat impie et avait appelé les Saoudiens à renverser le régime des Al Saoud. Ces attentats sont une manière de sanctionner la famille régnante d’un côté, et de frapper les Américains pour leur dire que, même après leur victoire en Irak, les USA restent vulnérables.

Il ne s’agit donc pas de mouvements intérieurs d’opposition ?

El Qaîda est une opposition intérieure. Ces attentats portent sa signature. L’objectif est de rappeler aux Al Saoud qu’ils ont trahi le testament du Prophète Mohamed qui ordonne l’expulsion des terres de l’Arabie les chrétiens et les juifs.

Les Etats-Unis semblent revoir leur relation privilégiée avec le Royaume. Quelles en sont les raisons ?

Depuis le 11 septembre 2001, les USA ont effectivement changé leur position vis-à-vis de l’Arabie Saoudite. Les Américains veulent désamorcer le wahhabisme saoudien. Ils demandent aux Al Saoud d’en arrêter le financement et l’exportation. Ils exigent également des Saoudiens de changer leurs programmes scolaires et universitaires. La majorité des kamikazes du 11 septembre étaient saoudiens, et pour les Américains, c’est la doctrine wahhabite qui a engendré ce fanatisme.

Depuis la chute de Saddam et l’émergence des chiites irakiens, la communauté chiite de l’Arabie Saoudite fait entendre sa voix. S’agit-il d’une force d’opposition conséquente ?

Dans le royaume des Al Saoud, 12 % de la population sont chiites. Il s’agit pour la plupart d’intellectuels opprimés et marginalisés. Pas de ministre chiite par exemple, ni d’ambassadeur, ni d’ailleurs dans les hautes fonctions de l’Etat saoudien. A part un représentant au Madjliss Echoura (conseil consultatif). Les chiites sont interdits de pratiquer leur rite sous le règne des adeptes du wahhabisme. Ils sont considérés par les wahhabites comme émanant d’un complot juif : soit il faut les convertir au wahhabisme, soit les expulser du royaume. C’est ainsi qu’il conviendrait d’interpréter les récents attentats ciblant des lieux de culte chiites dans le royaume.

Existe-il une tendance réformatrice au sein de la famille régnante ?

C’est possible, mais on ne la voit pas beaucoup. Le prince héritier, malgré son âge avancé, tente de lancer quelques réformes, mais son action soulève l’hostilité du système de fratrie au sein de la famille régnante. Les membres de cette dernière ne veulent pas bousculer l’ordre des choses et voir ainsi leurs intérêts menacés. Les réformes requièrent des hommes pour les faire avancer. Commencer d’abord par donner à la femme, qui constitue 50 % de la société saoudienne, sa vraie place, au lieu de la cantonner dans un statut minoritaire à vie.

L’Arabie Saoudite risque-t-elle de devenir une cible à des pressions US plus accrues ?

Le royaume est une double cible. D’abord, pour l’opposition intérieure comme je l’ai souligné, ensuite pour les Américains qui veulent pousser les Al Saoud à changer de politique et de culture de règne. On peut également considérer que l’annonce du retrait d’une base aérienne américaine de l’Arabie Saoudite puisse être une marge de manœuvre offerte aux Saoudiens pour contrebalancer la contestation islamiste. De toute manière, la famille régnante se trouve actuellement très gênée : elle ne peut opter indéfiniment pour l’encouragement du wahhabisme sans en subir les conséquences.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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