« La France est aussi une cible »

ANTOINE BASBOUS, directeur de l'Observatoire des pays arabes

Comment jugez-vous la menace terroriste qui pèse sur le Royaume-Uni ?

Antoine Basbous. L'alerte aux voitures piégées de ces derniers jours au coeur de Londres et l'attentat de Glasgow hier viennent rappeler ce que tout le monde sait : le risque d'attentats est là. Les autorités britanniques le connaissent, les terroristes ne s'en cachent pas, les victimes potentielles elles-mêmes ont conscience qu'elles sont dans la ligne de mire.


Cela intervient dans un contexte particulier avec l'arrivée d'un nouveau Premier ministre et l'anniversaire imminent des attentats meurtriers du 7 juillet 2005 à Londres. Le message adressé à Gordon Brown est clair : « Vous êtes en Irak et en Afghanistan, vous êtes nos ennemis, nous avons les moyens de frapper chez vous, nous sommes acteurs de votre principal théâtre. »

Le prochain anniversaire des attentats de Londres accentue-t-il la menace ?

Oui, c'est forcément un symbole. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que la mouvance islamiste n'a plus besoin d'instructions précises, d'un ordre signé, daté et référencé venu d'en haut pour attaquer les ennemis clairement désignés. Internet et les enregistrements d'Al-Zawahiri, le numéro 2 d'Al-Qaïda, largement diffusés à la télévision, suffisent à transmettre les orientations. Pour autant, le travail mené par la police britannique complique la tâche des apprentis terroristes, qui sont susceptibles d'être très vite repérés s'ils tentent d'acquérir un savoir-faire en Syrie ou en Irak. Les vocations sont là, inscrites dans le prolongement de l'idéologie d'Al-Qaïda, mais le savoir-faire manque, comme en témoignent les tentatives d'attentat ratées qui ont suivi les attaques de 2005. La pression policière est telle que les liens entre l'Irak ou l'Afghanistan et la base installée sur le sol britannique semblent avoir été rompus.

L'époque où Londres servait de terre d'asile aux leaders islamistes est donc révolue ?

Depuis 1999, les Britanniques ont commencé à légiférer pour tenter de mieux faire face à la menace. A chaque nouveau risque, la législation s'est durcie. Les terroristes n'ont plus la même latitude pour agir qu'auparavant. Les caméras de surveillance qui se sont multipliées ont sans doute également joué un rôle majeur.

La France est-elle aussi exposée que le Royaume-Uni ?

La France est bien évidemment une cible pour différentes raisons, même si elle n'est pas engagée en Irak. Les leaders d'Al-Qaïda répètent lors de chaque discours que l'Europe et tous les pays occidentaux sont menacés. Il faut être réaliste. Rappelons-nous ces mots de Ian Blair, le chef de Scotland Yard, au lendemain des attentats de 2005 : « Je sais que nous serons de nouveau frappés mais je ne sais pas quand. »