06/11/2002 Texte

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La mondialisation du Wahabisme

Antoine Basbous est directeur de l'Observatoire des pays arabes. Sa connaissance des mouvements islamistes, sur lesquels il a beaucoup publié, et du Wahabisme, sur lequel il vient d'éditer un inquiétant dernier ouvrage, fait qu'il est très sollicité par les médias étrangers, curieux de connaître l'évolution actuelle du royaume saoudien. Pièce maîtresse de la politique américaine au Moyen-Orient, ce royaume s'il venait à faire défection dans le soutien qu'il assure à la politique amé- ricaine depuis un demi-siècle, perturbe- rait la donne occidentale dans cette région, explosive pour deux raisons : la stabilité d'Israël et l'approvisionnement pétrolier de l'Occident. Dans son livre paru il y a un mois aux éditions Perrin " Du Wahabisme à Ben Laden : aux origines de la tourmente ", il répond à " L'Arabie Saoudite en questions ".

Officiellement, l'Arabie est solidaire de la légalité internationale. Elle reste apparemment l'alliée des USA intéressés au Royaume par les 8 millions de barils par jour que ce pays produit. Par le passé, les USA se sont appuyés sur les mouvements islamistes, particulièrement sur Ben Laden et les Talibans pour contrer l'Armée Rouge et ils ont financé par dizaines de millions de dollars la propagande wahabite en Afghanistan mais également en Asie centrale, et partout dans le monde où les communautarismes musulmans se prêtaient à une réislamisation radicale, du Caucase aux Balkans et jusqu'aux banlieues de l'émigration en Europe.

Le Wahabisme s'est massivement exporté à partir de 1973 avec un blocage autour de 1978, date à laquelle la révolution iranienne a donné l'alternative khomeiniste. Mais cet écueil a donné un coup de fouet au Wahabisme saoudien qui s'est alors radicalisé et globalisé. Il a utilisé les profits de la manne pétrolière pour se diffuser sous forme de mosquées, de médersas, de centres islamiques et, selon certains analystes, du jihad. La guerre d'Afghanistan " a été une fabrique de cadres pour ce mouvement wahabiste terroriste international ".

D'après Laurent Mouravich, expert d'un institut stratégique américain et entendu récemment au Pentagone sur l'évolution de l'Arabie Saoudite, ce pays serait " le noyau central du terrorisme islamiste et Ben Laden n'en est que le fer de lance ". Ce pays serait même " devenu le pire ennemi des USA " et cette conclusion sonne le glas d'un partenariat entre les deux Etats, les USA assurant protection et stabilité au royaume saoudien qui est la fontaine à pétrole. Dès lors, on comprend l'intérêt d'une OPA américaine sur l'Irak. Il se ferait, à la faveur d'une débâcle du régime de Saddam Husseïn, une recomposition de la région et selon certains médias qui ont rendu public un projet vite démenti par les USA, ces derniers envisageraient même une partition du royaume d'Arabie.

Une telle entreprise n'est-elle que la conséquence d'un fonctionnement de l'Arabie Saoudite comme matrice d'un Wahabisme radical et terroriste ? Ou bien, les spécialistes de cette région du monde et du Wahabisme ne serviraient-ils pas tout simplement de propagandistes du projet américain de recomposition hégémonique du Moyen-Orient, en faisant admettre que l'Arabie serait le noyau central du terrorisme islamiste ?

Selon ces experts, le changement va s'accélérer dans cette région où l'Arabie, en passe d'être déstabilisée et de voir son leadership passer aux mains d'individualités plus radicales, perdrait le statut privilégié (et paradoxal) qu'elle a depuis un demi-siècle comme partenaire du Monde occidental.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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