18/09/2001 Texte

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« Pour ben Laden, les Américains sont des lâches »

Vous êtes convaincu qu'Oussama ben Laden est bien l'organisateur des attaques terroristes lancées sur les Etats-Unis. Comment les expliquez-vous ?

Antoine Basbous 
: Ben Laden est un homme qui ne connaît qu'une loi : la Chari'a, la loi islamique. Il considère que l'Amérique qui entretient depuis 1991 plusieurs bases militaires en Arabie Saoudite, profane la terre sacrée qui a vu naître le Prophète, où le Coran a été révélé. Pour moi, c'est là le grief central : à l'abri des murs de leurs bases, les impies boivent du vin, mangent du cochon et leurs femmes se promènent en short. Pour un musulman aussi rigoriste que ben Laden, c'est un immense sacrilège en même temps qu'un défi lancé à l'islam tout entier. Mais ben Laden a d'autres raisons de haïr les Américains. Il les tient responsables du million de morts musulmans que l'embargo et les bombardements ont causés en Irak depuis dix ans. Enfin, comme la plupart des Arabes, il a le sentiment d'avoir été floué : la contrepartie de la participation des pays arabes à l'alliance nouée au moment de la Guerre du Golfe, c'était la restitution aux Palestiniens des territoires occupés par Israël. C'était le sens des négociations de Madrid, en 1991, et d'Oslo, en 1993. Or, aujourd'hui, dix ans plus tard, les territoires n'ont toujours pas été restitués et la situation des Palestiniens s'est aggravée de manière dramatique.

N'y-a-t-il pas quelque chose de totalement déraisonnable à défier ainsi la puissance américaine ?

Pour un homme comme ben Laden, les Américains sont des lâches. Leur réaction, à Beyrouth il y a dix-sept ans, en Somalie plus récemment, l'a montré. Quand on les attaque, ils plient bagage. La démesure des attentats perpétrés à New York et Washington est à ses yeux la juste réponse au « défi » que l'Amérique, par sa présence en Arabie, ses actes impies et ses manquements à la parole donnée, lance au Prophète et à son testament.

Les taliban, qui contrôlent le pays dans lequel ben Laden a élu résidence peuvent-ils céder à la pression militaire et politique et « donner » leur hôte aux Américains ?

Ce n'est pas envisageable. Pour le mollah Omar et ses proches, il n'est pas concevable de livrer un frère dans la foi, un homme auquel, en outre, on a accordé l'hospitalité.

Selon vous, qu'attend ben Laden aujourd'hui ?

Il veut enliser les Américains en Afghanistan comme il y a enlisé les Soviétiques. Il aura ainsi vaincu le deuxième Grand Satan. Il faut bien que l'Occident comprenne une chose : le concept de « terrorisme » n'a aucun sens pour un homme comme ben Laden. C'est un moujahid, un combattant du Djihad qui accomplit dans une sorte d'allégresse la volonté de son Seigneur.

Comment voyez-vous l'avenir se dessiner ?

De manière très sombre, sauf si les Américains, très vite, parviennent à le neutraliser, lui et ses principaux adjoints. S'ils n'y parviennent pas, ben Laden, aux yeux du monde musulman le plus extrémiste, apparaîtra comme un nouveau Saladdin. (NDLR : le chef musulman qui chassa les Francs de Terre Sainte.)

Si les Américains le « neutralisent », d'autres ne prendront-ils pas sa suite ?

Peut-être, mais ses réseaux auront été détruits et il faudra au moins vingt ans pour que sa mouvance retrouve sa capacité de nuire.

Recueilli par Robert Arnoux

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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