15/09/2001 Texte

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Une alliance sous haute tension

L’Arabie Saoudite s’impose comme un des acteurs de la mouvance islamiste. Peut-on évaluer l’importance de sa participation financière? Quels liens Oussama ben Laden garde-t-il avec son pays d’origine?

Antoine Basbous : Les wahhabites affectent tous les ans à la diffusion de leur doctrine un budget de dix milliards de dollars. Ben Laden quant à lui est un fils du wahhabisme le plus authentique. Millionnaire, il doit sa fortune aux finances de la société familiale de travaux publics, qui a pendant vingt ans bénéficié de contrats évalués à quelque 160 milliards de dollars pour le seul agrandissement des lieux saints. Il peut compter également sur les aides qui lui parviennent des adeptes au travers de filières si complexes et si opaques que toute évaluation ne peut être que fantaisiste.

L’Arabie saoudite est avec le Pakistan et les Emirats arabes unis l’un des trois Etats à avoir reconnu le régime au pouvoir en Afghanistan. Pourra-t-elle à la fois continuer à aider les talibans, et soutenir la « guerre » que les Etats-Unis déclarent au terrorisme?

Avec les talibans, les rapports se sont récemment détériorés. Les dirigeants afghans ont, par exemple, ignoré les interventions saoudiennes en faveur de la préservation des bouddhas de Bamiyan. Ils ont de même refusé d’accorder aux Saoudiens l’extradition de Ben Laden que le chef des services secrets était pourtant venu demander en personne au mollah Omar. Riyad a riposté en gelant de facto la reconnaissance du régime.

Ces aléas ne semblent pas compromettre les concours saoudiens dont bénéficie Ben Laden...

Plusieurs milliers de ressortissants saoudiens ont en Afghanistan participé au Jihad. Combien sont-ils aujourd’hui à avoir rejoint Ben Laden? Impossible d’avancer un chiffre. La force de Ben Laden, au reste, ne se mesure pas en avions, ou en missiles, qu’il n’a pas. Elle se compte en militants prêts à sacrifier leurs vies. A s’en tenir au nombre de kamikazes engagés dans les attentats du 11 septembre, les réserves ne manquent pas.

L’épreuve internationale qui s’annonce peut-elle ébranler l’ordre en place à Riyad?

La répression et l’appui de la puissance américaine assurent la stabilité d’un pouvoir fondé sur la seule légitimité du fait accompli. Demain, les tensions ne seront pas moins vives sur le régime soumis aux pressions contraires de Washington et de sa population. Comment l’opinion réagira-t-elle si les forces américaines doivent utiliser leurs bases en Arabie saoudite pour attaquer un pays islamique? De nombreuses résistances s’étaient déjà manifestées au moment de la guerre du Golfe, qui sanctionnait pourtant une agression commise contre le Koweït, un Etat arabe. Elles seront cette fois plus fortes encore: l’opinion arabe refusera l’alliance nouée avec un pays impie contre un Etat islamique. Voyez les réactions qui ont suivi les attentats de cette semaine: les porte-parole officiels ont condamné le terrorisme. L’institution wahhabite s’est tue. Ce silence est lourd de dissensions.

* Antoine Basbous a récemment publié L’islamisme, une révolution avortée? Ed. Hachette

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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