13/09/2001 Texte

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Un suspect privilégié mais pas de preuves tangibles

Qui a frappé ? Qui sont les commanditaires ? Il semble peu probable que les attentats perpétrés mardi contre les Etats-Unis soient officiellement revendiqués, les « cerveaux » n'ayant aucun intérêt à faciliter la riposte américaine. Les Américains se retrouvent donc devant une inconnue de taille, même si le suspect numéro un reste bien le milliardaire d'origine saoudienne Oussama ben Laden et ses réseaux « sophistiqués ».
Deux organisations palestiniennes, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique (FDLP), ont d'ores et déjà démenti toute participation au massacre programmé. L'interlocuteur anonyme se réclamant mardi de l'Armée rouge japonaise et évoquant « une vengeance des morts d'Hiroshima et de Nagasaki » n'a semble-t-il pas redonné signe de vie. Mais la galaxie des mouvements pouvant avoir la capacité de telles « frappes » est complexe, ce que confirment les spécialistes de la Défense et du Proche-Orient. « Je ne pense pas qu'il puisse s'agir de l'attaque d'un Etat », note également Ian Storey, du département des études stratégiques à l'Université australienne de Deakin, « Ce n'est pas un pays qui a attaqué les Etats-Unis, mais on ne peut exclure que le président Saddam Hussein ait pu être derrière une telle attaque ». Malgré l'émotion actuelle, l'Amérique doit donc verrouiller ses présomptions avant de programmer une action répressive.

Un constat dans lequel les Talibans s'engouffrent, faut-il le préciser, puisqu'ils indiquaient hier matin qu'il était « prématuré » de discuter d'une extradition quelconque de leur « hôte » ben Laden, renvoyant l'examen d'une telle hypothèse à la présentation de preuves... Et l'examen seulement, ce qui ne veut pas dire accord, de toutes les demandes du genre présentées jusqu'ici, a échoué. Dans un ouvrage paru l'an dernier, Antoine Basbous, directeur de l'observatoire des Pays Arabes, note d'ailleurs que ben Laden est doublement protégé « par la Charia islamique (en vigueur chez les Talibans), qui empêche de livrer un musulman à des "impies" et par les traditions tribales qui interdisent de livrer un "protégé" même si toute la tribu devait périr ».

Reste enfin à considérer cet élément troublant de l'actualité récente : le limogeage (passé d'abord inaperçu ) du prince Turki Al-Faycal, chef des services de renseignements de l'Arabie Saoudite, sur décret peu explicite du roi Fahd. Pourquoi « remercier » un homme-clef après trente ans de services ? Avant tout élément de réponse, on précisera que les liens entre ben Laden et Al-Faycal existent depuis longtemps.

A l'époque de la croisade anti-soviétique, soutenue par Washington, « le second s'était rendu à maintes reprises en Afghanistan pour apporter la caution de la famille royale saoudienne au Djihad et encourager les moudjahedin et autres missionnaires » souligne encore Basbous. Mais depuis 1998, c'est aussi lui qui, à trois reprises, s'est rendu auprès du mollah Omar, pour que ce dernier lui livre ben Laden, se voyant opposer un refus systématique, en des termes qualifiés « d'insultants ». Des échanges qui auraient eu pour contrepoint l'expulsion immédiate du chargé d'affaires afghan au royaume saoudien.

Le limogeage de Al-Faycal intervenant après une série d'attentats qui ont visé des Occidentaux dans le royaume, l'homme a-t-il payé son incapacité (ou sa mollesse?) à obtenir l'extradition d'Afghanistan de ben Laden ?

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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