10/09/2002 Texte

pays

<< RETOUR

Etats-Unis - Arabie Saoudite : Fin d’un mariage d’argent

Pour Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes à Paris, il ne manque plus qu’un faire-part officiel pour annoncer le divorce entre Riyad et Washington.

Quel défi majeur l’Arabie saoudite doit-elle désormais affronter ?

Jusqu’au début du XXe siècle, le royaume a vécu renfermé sur lui-même. C’est avec la découverte de ses gisements de pétrole qu’il a surgi sur la scène internationale. Dès ce moment, l’Arabie saoudite a reposé sur trois piliers : l’islam wahhabite — une lecture ultra-conservatrice et missionnaire du Coran —, la dynastie des Saoud et la protection des Etats-Unis. Cette protection, Riyad se l’est attachée en assurant l’approvisionnement en pétrole de l’Occident et en achetant armements et usines clés en main aux Etats-Unis. Il a aussi construit de gigantesques bases pour les forces américaines. L’Arabie saoudite était une pièce essentielle de l’échiquier américain face au communisme. Depuis le 11 septembre, cette alliance est remise en question, car Washington et les wahhabites ne peuvent plus s’asseoir à la même table.

La rupture est-elle aussi à l’ordre du jour entre la monarchie et les religieux ?

Le fondateur de la dynastie, Abdelaziz Ibn Saoud, a conquis le pays les armes à la main. C’était un guerrier qui a été blessé une quarantaine de fois. A plusieurs reprises, il a démontré qu’il savait tenir tête aux wahhabites. Ces religieux, qui sont les inspirateurs de tous les mouvements islamistes actuels, exception faite des chiites, se sont émancipés depuis les succès remportés par l’islamisme contre l’URSS en Afghanistan. Actuellement, la dynastie saoudienne vieillissante ne les contrôle plus et ils ont poignardé les Etats-Unis dans le dos. C’est la raison pour laquelle Washington entend les mettre au pas.

Avec quelles conséquences pour l’Arabie saoudite ?

Entre Washington et Riyad, c’est la fin d’un mariage d’argent arrangé par les grands-parents. Reste à voir comment le divorce sera prononcé, mais, pour ma part, je crains le pire. Les Etats-Unis entendent faire payer à l’Arabie saoudite le fait qu’une partie de la rente du pétrole vendu à l’Occident a été utilisée pour exporter l’islamisme dans de nombreuses régions du monde. L’objectif est de dissocier le pétrodollar du wahhabisme. Et c’est pourquoi Washington veut à tout prix renverser Saddam Hussein. L’Irak, pays qui dispose des deuxièmes plus importantes ressources pétrolières connues, est le seul qui est capable de se substituer à l’Arabie saoudite afin d’éviter la pénurie aux Etats-Unis et à l’Occident.

A Washington, certains stratèges préconisent un démembrement de l’Irak après la chute de Saddam Hussein. Un scénario identique a été évoqué pour l’Arabie saoudite. La menace est-elle réelle ?

Dans les pays où il existe des régions ou des populations discriminées, il est logique que les particularismes resurgissent quand le pouvoir central perd le contrôle. Le risque est réel de voir l’Irak redécoupé en trois morceaux. Quant à l’unité de l’Arabie saoudite, elle était jusqu’à présent cimentée par le wahhabisme, les pétrodollars et la poigne des Saoud... Désormais, le pays a besoin d’un nouveau rééquilibrage, de nouvelles intelligences et d’une nouvelle mentalité.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |