12/06/2000 Texte

pays

<< RETOUR

Mort de Hafez Al Assad: Une succession très délicate "

Qu'est-ce que la mort de Hafez el-Assad va changer en Syrie ?

Antoine Basbous
. Elle va provoquer un changement d'époque. Dans un premier temps, le successeur ne pourra pas concentrer entre ses mains tous les pouvoirs que détenait Hafez el-Assad. Mais, d'abord, il faut savoir qui va lui succéder parce que les prétendants sont nombreux. Normalement, c'est l'un des vice-présidents qui doit assurer les fonctions présidentielles en cas de disparition du chef de l'État. Mais l'Assemblée a amendé la constitution en un quart d'heure pour préparer la désignation de Bachar, le fils de Hafez el-Assad. " Le Vieux Lion " a disparu huit jours avant l'heure, c'est-à-dire une semaine avant la tenue le 17 juin du congrès du parti Baas qui doit préparer l'ascension de son fils.

La succession de Hafez el-Assad va-t-elle s'opérer dans la douleur ?

Antoine Basbous. Elle va créer trois types de problèmes. Le premier se concentre entre la génération de la vieille garde et celle de Bachar. Ce dernier a brutalement commencé à évincer la vieille garde depuis deux mois. L'ancien premier ministre Mahmoud al-Zohbi s'est suicidé parce qu'il a été chassé du parti. L'ancien chef d'état-major de l'armée, Hikmat Chehabi, qui a régné sur l'armée pendant vingt-quatre ans, a été contraint à l'exil aux États-Unis il y a quatre jours. Le second problème se situe entre la majorité sunnite et la minorité alaouite. Les sunnites n'accepteront pas de voir s'installer une monarchie alaouite minoritaire à Damas. Cela serait trop pour eux. J'ai vu à la télévision arabe des manifestants qui scandent déjà des slogans hostiles à Hafez el-Assad. Le troisième problème relève des dissensions au sein de la communauté alaouite elle-même. Les partisans de Rifaat el-Assad, le frère de Hafez, l'ex-vice président, sont plus nombreux que les adeptes de Bachar. Ce dernier est perçu comme quelqu'un de frêle et de pas assez expérimenté. Apparemment, on cherche à empêcher Rifaat d'assister aux obsèques de son frère.

Que peut-il se passer lors du congrès du parti Baas ?

Antoine Basbous. Ce congrès visait à faire remplacer les anciens du Baas par la jeune garde de Bachar, pour qu'il puisse accéder à la direction du parti afin de lui confier un poste de responsabilité très élevé. Mais aujourd'hui tout est bouleversé. Pour l'instant Bachar n'est qu'un colonel de trente-quatre ans, qui a obtenu ce grade parce qu'il est le fils de son père et non parce qu'il a remporté des batailles. Bachar doit réussir à s'imposer. Il faut que le processus ne rencontre pas de problèmes en cours de route. C'est une succession très délicate. Il va y avoir une lutte pour le pouvoir.

Imaginons que Bachar remplace son père. Quels sont les défis auxquels il sera confronté ?

Antoine Basbous. Ce régime est d'un autre temps. La Syrie est une grande prison. On ne respire pas dans ce pays. Les accès à Internet sont surveillés. La téléphonie mobile n'a fait son apparition qu'en février. Les banques commerciales, les cartes de crédit n'existent pas. Tout cela parce qu'il faut que les renseignements contrôlent tout. La Syrie tire ses ressources économiques de l'occupation du Liban. Le PNB par habitant est de 1 500 dollars par an. C'est l'un des pays les plus pauvres. Sur le plan militaire, la Syrie ne s'est pas modernisée depuis dix ans. Je ne parle pas même pas des atteintes aux droits de l'homme. Ces trente dernières années, la Syrie a exercé un terrorisme d'État. On ne peut pas savoir ce que vont donner les procès internationaux relatifs au terrorisme. La tâche qui attend le successeur de Hafez el-Assad est énorme. En fait, il est à plaindre. La seule force de la Syrie, ce sont les services de renseignements. Est-ce que ceux-ci seront tous derrière Bachar ? Je me pose la question.

Entretien réalisé par Damien Roustel

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |