26/05/2000 Texte

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Qui a encore peur de la Syrie ?

Que de situations, qualifiées de désespérées, ont fini par trouver une issue heureuse, à l'exception de celle du Liban occupé, qui s'est enfoncé dans la guerre et la misère, depuis un quart de siècle ! Ne serait-il pas arrivé, le moment où il pourrait renaître de ses cendres et retrouver son passé d'oasis de liberté et de prospérité dans ce Levant dont il fut jadis la Suisse ?

Le retrait israélien, événement majeur, conséquence de l'unique défaite infligée à Tsahal par une guérilla arabe, peut préluder au desserrement de l'étau qui étrangle le pays du Cèdre depuis une génération. Le condominium syro-israélien de fait qui a été parrainé par Henry Kissinger en 1976 perd sa raison d'être. Rien ne justifie plus le maintien de l'occupation syrienne, dont le fait accompli n'a été légalisé qu' a posteriori. En outre, les appels solennels au régime syrien de retirer ses troupes, lancés par les gouvernements des présidents Sarkis, en 1982, et Gemayel, en 1983, sont restés vains.

Après la signature de la paix avec Israël par les principaux pays arabes sunnites et la disparition de l'URSS, les positions syriennes sont profondément fragilisées. Damas, isolé et désargenté, a abandonné la course aux armements. Il souffre d'un grave déséquilibre des forces.

La crise relative à la succession qui s'est emparée de la famille Assad - le président baasiste tend à instaurer un pouvoir dynastique - et la dégradation des conditions économiques qui a entraîné plus d'un million de Syriens à coloniser le Liban (3,5 millions d'habitants), ont fini par affaiblir considérablement la Syrie, qui continue à vivre à l'écart du progrès technologique, synonyme de libéralisme et de liberté. Damas est d'autant plus vulnérable qu'il a beaucoup d'agissements terroristes à se faire pardonner, commis directement ou par une pléiade de groupes inféodés. Toute nouvelle crise pourrait servir de prétexte pour visiter les vieux dossiers du terrorisme et des prises d'otages réalisés au Liban. Cela devrait être d'autant plus dissuasif que, depuis une décennie, trois pays arabes ont déjà été frappés par des embargos plus ou moins sévères et deux Etats, jadis protégés par Moscou, ont subi les foudres de coalitions internationales.

En dépit de ses capacités de nuisance, mille fois éprouvés au cours des dernières décennies, qui a encore peur de la Syrie ?

Qui peut contredire aujourd'hui l'analyse d'Alain Richard quand il déclare que la Syrie rejette toute solution susceptible de remettre en cause sa domination sur le Liban, quand bien même elle lui restituerait le Golan ? Ce discours, qui rompt avec la langue de bois diplomatique, reflète une indiscutable réalité. Il est largement partagé au Liban et dans les pays arabes, en dépit des apparences d'unanimisme affichées par les dirigeants libanais qui doivent leurs fonctions, leur pouvoir et leurs richesses à leurs « parrains » syriens. En bons caméléons, la plupart de ces hommes politiques libanais étaient « abonnés » auprès d'autres puissances. Ils peuvent changer d'allégeance comme de chemise. Leurs homologues des pays de l'Est les ont précédés dans cette pratique.

Evidemment, le retour de la paix, de la liberté et de la prospérité au Liban ne sera pas de tout repos. Après tant d'épreuves, les morceaux de la mosaïque libanaise ne seront pas faciles à recoller. Mais ce ne sera faisable qu'à la condition que les deux principaux Etats qui attisaient les divisions dans un pays prédisposé arrêtent leur oeuvre destructrice.

La communauté internationale, qui se dépense sans compter pour sortir honorablement Israël du guêpier libanais et assurer la sécurité des habitants de la Galilée, devrait se pencher aussi sur le droit des Libanais à la sécurité, à la liberté et à l'indépendance. Le rétablissement de ce pays dans le plein exercice de sa souveraineté exige, outre le retrait israélien, celui de l'armée syrienne, la reconnaissance diplomatique de Beyrouth par Damas, l'abrogation des traités léonins concédés par les représentants complaisants d'un Etat occupé et l'organisation d'élections libres sous l'égide de l'ONU pour que les Libanais puissent enfin désigner leurs représentants authentiques, stoppant ainsi le glissement vers un Etat policier. Le Liban a été l'otage des forces régionales - l’OLP, Israël et la Syrie. Le temps est venu pour lui de ne plus être sacrifié sur l'autel des causes d'autrui, même s'il s'agit des « frères ».

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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