22/08/2006 Texte

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La France en passe de perdre le crédit acquis à l'Onu

PARIS, 22 août 2006 (AFP) - La France, cible des critiques en hésitant à engager son armée de manière conséquente dans la force de l'Onu au Liban, semble en passe de perdre le crédit qu'elle venait d'acquérir en menant la bataille diplomatique pour restaurer la paix.

La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'Onu sur la cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah "était un triomphe diplomatique pour la France", explique Dominique Moïsi, de l'Institut français de relations internationales (IFRI).

"Mais ce qui s'est passé depuis remet en cause sa crédibilité dans ce qu'elle a de plus fondamental: sa capacité d'intervention et son soutien aux Nations unies", estime-t-il.

Le rôle de la France, qui a su faire jouer sa "relation spéciale" avec le Liban, a été déterminant dans l'adoption de la résolution 1701, adoptée le 11 août, qui a mis fin à un mois de combats.

Mais la France a décidé ensuite de n'envoyer "en urgence" que 200 soldats au Liban sud pour muscler la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), après s'être déclarée prête à prendre la direction de cette force élargie.

Devant cette attitude, l'Italie a annoncé lundi qu'elle était prête à prendre le commandement de la Finul élargie et à engager jusqu'à 2.200 hommes.

Pressé de questions, le ministère français des Affaires étrangères a réaffirmé mardi que "la France n'avait pas à rougir" et que sa crédibilité "n'avait pas à être mise en cause".

"Nous avons été les premiers à répondre aux besoins d'urgence exprimés par les autorités libanaises en envoyant 200 soldats de plus", a rappelé un porte-parole. "C'est à ma connaissance le seul renfort sur le terrain aujourd'hui".

Pour Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, la décision française de ne pas s'engager davantage à ce stade s'explique surtout par la crainte des attentats après le refus du Hezbollah de désarmer.

"La France est en pointe sur les dossiers syrien (enquête internationale sur l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri) et du nucléaire iranien, et la résolution 1701 a déjà été bafouée par le refus de désarmer du Hezbollah", explique M. Basbous.

Pour Paris, "dépêcher des forces dans la Finul reviendrait à envoyer des victimes potentielles d'attaques suicides du Hezbollah sur décision de Damas ou de Téhéran", résume cet expert, en rappelant l'attentat du Drakkar contre le contingent français au Liban en octobre 1983, qui avait fait 58 morts et créé un traumatisme durable dans l'armée française.

La presse internationale, qui saluait il y a quelques jours encore l'activisme diplomatique français, est devenue virulente pour dénoncer les "incohérences" de la position française.

Le New York Times a ainsi critiqué sévèrement Paris qui, selon lui, a "la frousse". En Europe, le quotidien allemand Westdeutsche Zeitung a critiqué l'"inconstance" de Paris, estimant que la France "s'est discréditée". En Espagne, ABC relève que la France, "l'un des pays européens qui se sont le plus impliqués", a finalement "déçu de nombreux pays".

"C'est parce que la France a été si impliquée jusqu'à maintenant qu'elle n'est pas forcément la mieux placée pour assurer une force de maintien de la paix et d'assistance de l'armée libanaise", rétorque un diplomate français.

Si Paris engage un gros contingent, "certains vont dire: vous envoyez des troupes pour défendre vos amis", poursuit ce responsable. "Il vaut mieux une force plus équilibrée avec une présence d'autres Européens, de pays musulmans et qui soit considérée comme une vraie force de la communauté internationale", soutient-il.

Les responsables français, qui exigent de l'Onu des garanties sur la sécurité et les règles d'engagement de la Finul, "n'ont pas mesuré le poids politique, diplomatique, de leurs hésitations", estime de son côté Dominique Moïsi, en notant toutefois que Paris peut encore revoir sa participation à la hausse.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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