31/07/2024 Texte

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L'Iran sonné et dos au mur après l'élimination sur son sol du chef du Hamas

Le raid qui a tué le chef politique du Hamas au coeur de Téhéran constitue une gifle pour le régime des mollahs. Ce dernier va devoir riposter pour sauver la face.

Une gifle. L'élimination du chef politique du Hamas, ce mercredi matin, sonne comme une humiliation pour le régime des mollahs : le raid a eu lieu en plein coeur de Téhéran, dont Ismaël Haniyeh était l'hôte, donc sous sa protection. L'élimination de cet allié du régime iranien a eu lieu à l'occasion, de surcroît, de l'investiture du nouveau président, Massoud Pezeshkian, mardi.

Ce raid d'Israël (qui ne l'a pas revendiqué, comme pour toute opération menée en Iran), requérait aussi des agents de renseignements sur le terrain capables de suivre précisément Ismaël Haniyeh durant les quelques heures qu'il a passé à Téhéran. Ce qui constitue « un motif d'inquiétude supplémentaire pour le régime parce que cela montre qu'aucun dirigeant iranien n'est complètement en sécurité », estime Antoine Basbous, associé à Forward Global et directeur de l'observatoire des pays arabes.

Téhéran obligé de sauver la face

Double claque, en fait, pour Téhéran, puisque quelques heures auparavant un commandant de la milice chiite du Hezbollah, allié clé du régime iranien, avait été éliminé lors d'un raid mené par Israël dans la banlieue de Beyrouth. Fouad Chokr était jugé par Israël comme responsable de la mort trois jours auparavant d'une douzaine d'enfants druzes ( musulmans traditionnellement alliés à Israël) dans le tir d'une roquette sur le plateau syrien du Golan occupé. Sa tête était aussi mise à prix pour 5 millions de dollars par les Etats-Unis en raison de son implication dans l'attaque contre une caserne américaine à Beyrouth en 1983, qui a fait plus de 240 tués parmi les Marines américains.

Téhéran va être obligé de réagir à l'élimination du chef du Hamas pour sauver la face. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a d'ailleurs déclaré qu'il était du devoir de l'Iran d'infliger à Israël une « sévère punition » pour « venger » la mort d'Ismaël Haniyeh. Le Corps des gardiens de la révolution, la garde prétorienne du régime chargée de la résidence où a été tué le chef du Hamas, a promis pour sa part une « réponse sévère et douloureuse » à Israël.

Une riposte sans doute calibrée

Comme il y a parfois un gouffre entre la rhétorique et l'action, la riposte du régime iranien restera toutefois sans doute mesurée afin d'éviter tout risque d'escalade, car l'Iran « ne veut surtout pas de guerre avec Israël, qui pourrait entraîner les Etats-Unis », estime Antoine Basbous. Selon lui, « Téhéran va devoir identifier une cible israélienne significative mais pas cruciale pour ne pas entraîner une riposte trop forte d'Israël qui risquerait d'enclencher un engrenage. La stratégie de l'Iran depuis toujours est de harceler Israël, l'enliser patiemment, tout en évitant l'affrontement ».

L'Iran n'avait d'ailleurs jamais frappé directement Israël, malgré la haine tenace qu'il lui porte depuis la révolution islamique de 1979, jusqu'en avril dernier : en représailles à l'élimination par Jérusalem de deux généraux iraniens dans son consulat en Syrie, Téhéran avait alors tiré sur Israël une salve de missiles , presque tous interceptés avec l'assistance des pays occidentaux et de la Jordanie et qui avaient blessé un enfant. Jérusalem avait répliqué a minima , avec un raid de drones sur une station radar en territoire iranien, sans faire de victimes. Après quoi les deux parties avaient estimé avoir « rétabli la dissuasion » et que l'incident était clos.

Faute d'options sans risque pour frapper directement Israël, l'Iran pourrait faire appel à ses « affiliés » dans la région, les Houthis au Yémen, les milices chiites en Irak, ou le Hezbollah au Liban. Le risque n'est pas nul qu'ils frappent des sites américains, soutien politique et militaire d'Israël.

« La désescalade relative des derniers mois avec des consignes de modération données par Téhéran à ses auxiliaires dans la région contre des cibles américaines, est menacée », estime Clément Therme, spécialiste de l'Iran et chargé de cours à l'université Paul Valery. A vrai dire, les tensions avaient déjà repris avec quatre attaques de chiites irakiens contre des sites militaires américains en Irak début juillet.

Yves Bourdillon - Les Echos

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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