«Téhéran contrôle plusieurs milices en Irak»
«L’Iran n’a jamais eu autant de cartes en main. Les Etats-Unis ne laisseront pas faire», avertit Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe.
Le président Ahmadinejad joue- t-il un rôle de «bouffon» pour masquer la réelle stratégie internationale du haut clergé chiite ?
On aurait pu le penser. Mais Ali Hakbar Rafsandjani (ndlr:. le candidat favori des Occidentaux en 2005) avait grillé la politesse à Ahmadinejad en annonçant la mise en batterie de 164 centrifugeuses pour enrichir de l’uranium. Jusque-là, je pensais que Rafsandjani représentait une ligne plus raisonnable. En réalité, Ahmadinejad est le porte-voix du guide suprême de la révolution qui a tous les pouvoirs. Désigné par 80 mollahs, il a plus d’influence que le président choisi par vingt millions d’électeurs.
Ahmadinejad affirme souvent que les Iraniens auraient négocié avec les Etats-Unis pour pacifier l’Irak.
L’Iran s’est servi des Etats-Unis pour abattre Saddam Hussein. Aujourd’hui, Téhéran veut aller plus loin. Il dispose de plusieurs milices en Irak, il a ses hommes dans la police, la haute administration, les services secrets. L’Iran va jusqu’à financer Zarqaoui qui tue pourtant des centaines de chiites. Il ne le fait pas par plaisir mais pour mettre les Etats-Unis en difficulté. S’appuyant sur le croissant chiite qui s’étend déjà de la Palestine à l’Irak, en passant par le Liban et la Syrie, les Iraniens veulent maintenant mettre les pays du Golfe à genoux. Il les intimide, les provoque. Téhéran dit alors à Washington: «On vous laisse partir d’Irak sans vous humilier si vous nous laissez le pays.»
L’Iran a-t-il vraiment les moyens de «mettre à genoux» les monarchies du Golfe ?
Elles le sont déjà. Elles craignent les manœuvres navales iraniennes. A l’émir du Qatar qui disait se réjouir d’une éventuelle victoire de l’équipe de foot iranienne, Ahmadinejad a répondu: «On ne vous a pas appris à l’école que le Golfe était persique?» Il y a de quoi s’inquiéter de voir l’Iran donner une identité nationale au Golfe. D’un côté, on a l’Iran avec ses 70 millions d’habitants et de l’autre, des Etats avec 18 millions d’habitants parmi lesquels 2,5 millions de Chiites. L’Iran veut mettre la main sur 60% des réserves mondiales de pétrole.
Quelle est l’origine de l’antisémitisme du président iranien ?
Il s’inscrit dans la pensée profonde du khomeynisme. Ahmadinejad revient avec un discours brutal. Il dit: «C’est le choc des civilisations!» Il reprend à son compte ce que pense l’opinion publique arabe. Pas celle de son pays. Celle de pays arabes dont la population rejette, contrairement à leurs dirigeants, les Etats-Unis et Israël. C’est une manière de déstabiliser ces régimes.
