17/06/2014 Texte

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Ce conflit risque de plonger l’Irak dans une guerre civile régionale

Le politologue Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe et de l’islam et directeur de l’Observatoire des pays arabes, décrypte pour 20 Minutes le conflit qui oppose les chiites et les sunnites en Irak… Alors que le nord-ouest du pays est aux mains des djihadistes, le politologue Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe et de l’islam et directeur de l’Observatoire des pays arabes, décrypte pour 20 Minutes le conflit qui oppose les chiites et les sunnites en Irak…


Qu’est-ce qui explique le conflit qui secoue l’Irak?

Sans revenir sur le schisme qui oppose sunnites et chiites depuis quatorze siècles, le problème vient du fait qu’aujourd’hui, aucun religieux n’a entrepris de passer l’éponge sur les querelles du passé pour tenter de bâtir un nouvel ordre religieux, unifié.

Sous Saddam Hussein régnait une forte répression, et Nouri Al-Maliki reproduit le même schéma de répression et d’exclusion. Il a dressé les Kurdes et les Sunnites contre lui. La conséquence c’est qu’aujourd’hui, le conflit en Irak est également nourri par la vendetta.

Cette guerre idéologique va-t-elle modifier la carte géographique de la région?

Oui, l’Irak d’aujourd’hui est en passe d’être révolu, il n’échappera pas à la partition. Le conflit est en train de redessiner les frontières et on s’oriente vers un partage du pays en trois entités distinctes: le Kurdistan au nord, le Sunnistan au centre du pays et le Chiistan au sud.

Entre cette dynamique et Bachar al-Assad qui a créé l’Alaouistan, le centre de la Syrie appartient désormais à la même mouvance qui domine en Irak, donc bien sûr, la carte géographique est chamboulée.

L’insurrection djihadiste en Irak va-t-elle modifier la répartition des rôles et des alliances au Moyen-Orient?

L’insurrection n’est pas que djihadiste, elle est également sunnite. Elle a donc des répercussions sur l’ensemble de la région. Elle a brisé le croissant chiite, ce qui trouble le jeu de l’Iran, et a renforcé le pouvoir des Kurdes, qui ont repris Kirkouk (l’équivalent de leur Jérusalem).

Par ailleurs, des frictions devraient rapidement apparaître au sein de l’alliance sunnite entre les plus radicaux, qui fusillent les opposants, et les tribaux, qui sont plus modérés.

A moins que Nouri Al-Maliki ne quitte le pouvoir, cette querelle risque de plonger l’Irak dans une guerre civile régionale qui aggravera encore plus le conflit entre sunnites et chiites.

Finalement, c’est l’Iran qui tire son épingle du jeu?

L’Iran profite de ce conflit pour convaincre les Occidentaux de s’allier avec lui contre les djihadistes hostiles à Nouri Al-Maliki, alors qu’ils ont protesté contre l’ingérence iranienne en Irak. Une telle alliance reviendrait à succomber à une manipulation de l’Iran. Le président Rohani n’est qu’une vitrine. En Iran, c’est le Guide de la révolution Ali Khamenei qui tire les ficelles, c’est lui qui dicte la véritable politique nucléaire du pays, et c’est quelqu’un de redoutable.

Anissa Boumediene (article original)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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