17/04/2014 Texte

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Algérie: Bouteflika, candidat fantôme porté par une machine de guerre

En dépit de ses problèmes de santé, Abdelaziz Bouteflika brigue un quatrième mandat. Cette situation peut sembler totalement surréaliste, mais les chances de voir le président se succéder à lui-même restent réelles. Explications.

Le président Abdelaziz Bouteflika est candidat à sa propre succession pour un quatrième mandat à la tête de l'Algérie. Les Algériens sont appelés aux urnes dès jeudi pour le premier tour de l'élection présidentielle.

La campagne, qui a opposé le président sortant à son principal rival Ali Benflis, a été très dure. A 77 ans, celui qu'on veut toujours présenter comme l'homme "fort" du pays apparaît pourtant très affaibli et ne semble plus être que l'ombre de lui-même. Victime d'un AVC en avril 2013, Abdelaziz Bouteflika suit une rééducation pour récupérer ses facultés d'élocution et sa mobilité. Mais, compte tenu de ses rares apparitions à la télévision algérienne pendant la campagne, cette thérapie semble peiner à porter ses fruits.

En dépit de ses difficultés de santé, Bouteflika ne veut rien lâcher, et compte sur l'armée et le Front de libération nationale (FLN) pour maintenir une emprise dont il sent qu'elle pourrait lui échapper. Décryptage.

Bouteflika, une campagne pour gérer l'absence

La campagne du président sortant tient du paradoxe. A la fois omniprésent dans les campagnes d'affichage et dépensant des sommes considérables pour sa promotion, Bouteflika a forcé ses communicants à redoubler d'imagination pour gérer sa quasi-absence. "C'est son absence qui prime. La campagne de Bouteflika a été faite comme s'il était un dieu, par des gens chargés de vanter ses mérites", analyse ainsi Antoine Basbous, politologue et directeur de l'Observatoire des Pays Arabes, auteur du Tsunami arabe (Fayard).

Cet état de santé pose un sérieux problème au candidat qui, lorsqu'il s'exprime, est "inaudible". A tel point que la moindre de ses interventions "doit être retranscrite par écrit". "Comment voulez-vous qu'il aille voter, sur une chaise roulante? Comment peut-il prononcer le discours de victoire ou prêter serment? Il ne le peut pas", martèle le spécialiste du pays, qui fait le constat d'une "rupture avec la réalité".

Un système encore là pour le soutenir


A-t-il au moins un bilan sur lequel s'appuyer, après quinze ans de pouvoir en Algérie? Ici encore, Antoine Basbous se montre très sceptique. "Son bilan ne permet pas de lui attribuer un quelconque mérite", analyse le chercheur. "Quand on le compare à De Gaulle ou à Churchill, son mérite est bien moins grand et pourtant ces deux hommes ont accepté d'être congédiés par les urnes".
Mais alors, si le pays se trouve en si mauvaise posture et a si peu avancé, comment se fait-il qu'il y en ait encore certains pour soutenir Bouteflika? Antoine Basbous explique qu'"un groupe qu'une certaine presse algérienne qualifie de système mafieux" continue à œuvrer pour que la corruption perdure. "Ces gens n'ont pas envie de s'arrêter en si bon chemin et de risquer d'être interrogés sur l'origine de cet enrichissement. Ils veulent garder Bouteflika en vitrine pour pouvoir 'grenouiller' derrière lui", constate-t-il encore. Qui sont-ils? "Des hommes d'affaires qui bénéficient des marchés publics et qui s'appuient sur le frère du président, Saïd Bouteflika".

Un pays en stagnation, miné par la corruption

La corruption, fait remarquer Antoine Basbous "n'a jamais atteint un tel niveau en Algérie" et se compte d'ailleurs "en milliards de dollars" pour certains ministres ou ex-ministres corrompus. Ainsi l'Algérie, dont 98% des recettes proviennent du pétrole et du gaz, est un pays où "malgré des richesses et des réserves immenses, les infrastructures sont en panne". La masse d'argent considérable dépensée par Abdelaziz Bouteflika n'aura en réalité servi qu'à "acheter la paix et soudoyer la population".

Les choses pourraient changer avec la popularité montante du principal rival du président sortant, Ali Benflis, dans tout le pays et particulièrement dans l'Est, une région que la campagne de Bouteflika a semblé mépriser. Ce, alors même que le président sortant a récemment remanié le gouvernement pour placer ses fidèles aux postes clés afin de coordonner la fraude: l’Intérieur, la Justice, la Défense et le Conseil constitutionnel.

Propos recueillis par David Namias pour bfmtv

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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