26/10/2013 Texte

pays

<< RETOUR

Arabie Saoudite: Révolte des Saoudiennes au volant

Les Saoudiennes militant pour le droit de conduire prennent à nouveau le volant samedi 26 octobre, défiant les autorités du pays. L'Arabie saoudite est le seul pays au monde où les femmes n'ont pas le droit de conduire.

 

Les Saoudiennes militant pour le droit de conduire prennent à nouveau le volant samedi 26 octobre, défiant les autorités du pays. L'Arabie saoudite est le seul pays au monde où les femmes n'ont pas le droit de conduire.
Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/revolte-saoudiennes-au-volant-pas-encore-bout-tunnel-mais-lueur-espoir-pour-femmes-antoine-basbous-881185.html#Lgd7qz3r7ofqT44F.99

 

Atlantico : Des militantes saoudiennes ont appelé à prendre le volant samedi 26 octobre pour protester contre leur interdiction de conduire sur le sol saoudien. L’Arabie Saoudite est aujourd’hui le seul pays où les femmes ne sont pas autorisées à conduire. Ce coup de force pourrait-il aboutir à un réel changement dans la société saoudienne ? Quels seraient les effets de la levée d’une telle interdiction en Arabie ?

Antoine Basbous : Ce mouvement accompagne un véritable changement. Il y a 23 ans une poignée de femmes avaient pris le volant à Ryad, elles ont toutes été arrêtés et ont été obligées de signer un engagement mais comme leur valeur juridique était assez minime, leurs tuteurs mâles, pères, maris ou même fils, ont dû contresigner l’engagement à ne plus récidiver. Elles ont été ensuite chassées de leur travail. Un journaliste saoudien aujourd’hui décédé, Saleh El Azzaz, a photographié ces évènements et leur brutalité. Il a été ensuite emprisonné dans un endroit inconnu plusieurs mois et a perdu 37 kg.  Nous ne vivons plus dans la même époque.  La société a changé sous l’impulsion du roi Abdallah. Elle fait de tout petits pas mais qui ont le mérite d’exister !  N’oublions pas que l’Arabie est la seule monarchie ou pays du monde où les femmes sont privées de ces droits, d’ailleurs elles conduisent comme toutes femmes lorsqu’elles sont à l’étranger.

Du reste, il existe des Pilotes d’avions saoudiens privés qui sont des femmes. Le prince Al Walid bin Talal, le neveu du roi, se fait souvent conduire par une pilote, selon le vœu du Roi. La société avance bien à petits pas et le roi, malgré son âge avancé, apparaît plus évolué, plus moderne que de nombreux jeunes saoudiens. Les exemples sont nombreux allant en ce sens. Il a reçu, il quelques années en 2007, des femmes, presque voilées, dans la même pièce que des hommes, c’était une véritable révolution. L’année dernière il a permis aux femmes d’entrer dans le conseil consultatif. En 2009, il a ouvert une université mixte et les muftis qui ont condamné cette mixité ont été bannis du Haut conseil des muftis saoudiens. Jusqu’aux années 2000, les Moutawa, la milice religieuse saoudienne, était extrêmement sévère quand elle voyait dans la rue un homme et une femme se parler, échanger un numéro de téléphone, il régnait une véritable terreur. Ils étaient les gardiens de l’orthodoxie rétrograde, et non religieuse. Ces gens-là ont perdu de leur pouvoir grâce à l’action du Roi Abdallah, il les a muselés. Ainsi à chaque fois qu’il était contesté, notamment dans sa volonté de modernisation, par un ouléma ou un mufti il les privait de leurs avantages. Il s’est montré ferme, mais ses décisions n’ont pas profondément changé la société. Mais ne dit-on pas que les petits ruisseaux peuvent un jour devenir un fleuve ?


Qui sont les militantes favorables à la levée de cette interdiction ?

Ce sont généralement des femmes qui ont séjourné à l’étranger, qui ont déjà le permis, et qui sont soutenues par leur famille. Elles reflètent la partie moderne de la société et le changement. Mais il reste beaucoup de chemin pour faire de l’Arabie un pays moderne. On est loin de voir les femmes égales aux hommes dans ce pays, dont la charia exige qu’une femme devant la justice équivaut à la moitié d’un homme.


Le roi Abdallah serait favorable à des réformes sociales, il a d’ailleurs autorisé en 2009 la création de l’université mixte KAUST où les femmes peuvent se déplacer en conduisant dans le campus. Serait-ce la preuve d’une volonté d’ouverture ? Quelles autres réformes sociales l’Arabie Saoudite pourrait-elle mettre en place?

L’Arabie a des infrastructures extrêmement modernes et une technologie dernier cri, mais à côté de cela il réside un ordre social extrêmement vieillot, rétrograde qui remonte au Moyen-Âge. Le chemin pour faire rencontrer la modernité technologique avec la modernité sociale est encore très long. Il y a encore beaucoup d’inégalité, dans le travail des femmes notamment et de la mixité, les ascenseurs mixtes n’existent pas par exemple. Certains étrangers ont la condition d’esclave, les sponsors leur confisquent les passeports. Un effort doit être fait dans le respect des religions : l’Arabie ne tolère pas l’entrée d’un livre de prières qui ne soit pas musulman. Les Saoudiens radicaux considèrent que les chiites saoudiens sont des hérétiques. Il y a beaucoup de chemin à faire pour gagner en tolérance, en égalité entre les citoyens, en respect pour  les 8 millions de travailleurs étrangers qui portent l’économie saoudienne. Le roi Abdallah, s’il va en ce sens, est si vieux et si fatigué qu’il ne peut plus donner de nouvelles impulsions. Il faut attendre la succession pour qu’une impulsion soit donnée, mais les successeurs sont aussi vieux et aussi malades, nous pouvons être sceptiques sur la modernité qui sera impulsée par le haut. Mais il faut reconnaître que l’actuel roi a fait bouger les choses.


Aujourd’hui, où en est la place de la femme en Arabie ?


Jusqu’en 1974, sous le règne du Roi Fayçal, les  femmes, dans la tradition bédouine saoudienne, étaient interdites d’école. L’une des épouses du roi, d’origine turque et polyglotte, a forcé le pouvoir à ouvrir des écoles pour les filles de la famille royale. S’il n’y avait aucune obligation d’y amener les enfants, la possibilité existait enfin. L’institution religieuse avait alors conditionné son accord par de nombreuses conditions de sorte à rendre difficile l’enseignement des filles. Aujourd’hui, rares sont les filles qui ne sont pas scolarisées. La cause féminine, on le voit, progresse. Il existe des femmes ministres et l’enseignement des filles n’est plus soumis aux ultras radicaux. S’il y a une évolution, il y a en même temps une hémorragie. Il n’existe pas de transport public par exemple. Pour aller au travail, se déplacer, les femmes ont besoin d’un chauffeur. Puisqu’elles ne peuvent pas conduire, elles doivent dépenser de l’argent en chauffeur et en voiture, souvent d’origine asiatique. Elles restent souvent seules, en tête à tête avec eux et les radicaux voudraient éviter cette proximité (on voit d’ailleurs des enfants qui ressemblent plus au chauffeur qu’à leur père saoudien..). Aujourd’hui, il y a une forte réduction du nombre de visas de sorte qu’on ne trouve plus de chauffeur. L’économie exige donc que ces femmes puissent conduire.

Propos recueillis par Clémence Guinard pour Atlantico.fr

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |