31/08/2004 Texte

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Le cas des otages français suscite un mouvement sans précédent dans l'islam

Papier d'Angle

PARIS, 31 août (AFP) - La crise des otages français a suscité un mouvement de solidarité sans précédent dans le monde arabe et musulman, renforcé par les efforts de Paris pour tenter d'arracher aux ravisseurs leur libération.

Le ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier, en tournée au Proche-Orient pour tenter de libérer Christian Chesnot, de Radio France Internationale (RFI), et Georges Malbrunot, du Figaro, a salué mardi la "solidarité" exprimée "de toutes parts dans les pays arabes et musulmans". Celle des "dirigeants politiques et des peuples qui connaissent l'engagement traditionnel de la France pour la justice", mais aussi "la solidarité et l'émotion qui s'expriment unanimement de la part des plus hautes autorités de l'islam", a souligné M. Barnier à Amman avant de repartir pour l'Egypte.

Les prises de position des autorités musulmanes ont permis "d'espérer que de nouveaux canaux, qui étaient fermés, s'ouvrent", a déclaré à l'AFP un membre de l'entourage du ministre français.

"Il y a eu un effort pour essayer d'isoler les preneurs d'otage et il y a eu une réponse dans le monde arabe", résume Rémy Levau, de l'Institut français de relations internationales (IFRI).

"Pour la première fois, il y a eu un véritable mouvement" en faveur d'otages enlevés en Irak, déclare Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, en faisant valoir sa complexité et sa richesse. "Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, représente le nationalisme arabe, tandis que le dignitaire musulman sunnite Cheikh Youssef el-Qardaoui, représente les ultras de l'islamisme", relève-t-il.

"L'entretien de Michel Barnier au Caire avec Cheikh Youssef el-Qardaoui a été fondamental: c'est le « télé-coraniste » le plus écouté du monde arabe", poursuit M. Basbous. Cheikh Qardaoui s'était opposé au Cheikh Mohammed Sayyed Tantaoui, grand Imam d'Al-Azhar, référence de l'islam sunnite, qui avait reconnu en décembre le droit à la France d'interdire le port du foulard islamique dans les écoles. Pour Antoine Basbous, "cela reflète le crédit de la France dans le monde arabe dû essentiellement à sa politique arabe traditionnelle et à sa position pendant la crise irakienne". "La manière dont le gouvernement français a géré cette affaire a également beaucoup joué", selon lui. Il cite "une mobilisation spectaculaire au plus haut niveau, des réunions d'urgence, une déclaration solennelle du président Jacques Chirac, une dramatisation avec l'envoi du ministre des Affaires étrangères au Caire et du secrétaire général du Quai d'Orsay à Bagdad". L'impact médiatique ne s'est pas fait attendre. La chaîne satellitaire Al-Jazira, qui se contente d'habitude de diffuser les vidéos des preneurs d'otages, a réclamé dans un communiqué la "libération immédiate" des deux reporters. Du mufti de Syrie, cheikh Ahmed Kaftaro, au guide suprême des Frères musulmans égyptiens, Mohammad Mehdi Akef, en passant par le Jihad islamique et le Hamas palestiniens, toutes les mouvances de l'islam ont appelé à la libération des journalistes. Le Conseil consultatif sunnite et le Comité Irchad wal-Fatwa, des groupes salafistes irakiens, ont fait de même. Un geste d'autant plus important que la majorité des enlèvements d'étrangers en Irak sont le fait de groupes d'inspiration salafiste.

"Les ravisseurs ne peuvent pas être totalement isolés ni du système religieux ni du système tribal local", affirme Rémy Levau, "frappé par le recours aux chefs des tribus". Face à un tel élan de solidarité arabe et musulman, les ravisseurs pourraient comprendre que s'ils abattaient les journalistes "il y aurait un prix politique à payer", selon M. Levau.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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