12/11/2003 Texte

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L'Irak, principal motif des sanctions US contre la Syrie (analystes arabes)

LE CAIRE, 12 nov (AFP) - De tous les motifs invoqués par Washington pour sanctionner la Syrie, l'accusation de complaisance à l'égard des "terroristes" anti-américains en Irak est de loin le principal, estiment des analystes. "Parmi les trois raisons qui justifient les sanctions, la troisième est la plus importante, car les deux premières ne sont pas nouvelles, et on a souvent entendu les Américains accuser la Syrie de soutenir le Hezbollah ou le Hamas", a déclaré à l'AFP Mounir Nassif, rédacteur en chef adjoint du journal gouvernemental égyptien Al Akhbar.

Le Congrès américain a approuvé mardi des sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie, qui marquent un net durcissement de la politique de Washington envers Damas. Washington reproche à la Syrie de soutenir les groupes radicaux anti-israéliens Hezbollah, Hamas et Jihad islamique, de détenir des armes chimiques et chercher à acquérir des armes biologiques, et également de laisser entrer depuis son territoire des auteurs d'attentats contre les forces américaines en Irak. "Il n'y a aucune preuve concernant toutes ces accusations, et ces sanctions ne feront qu'augmenter le ressentiment à l'égard des Américains dans le monde arabe", selon Mounir Nassif.

Tout en partageant le point de vue que c'est bien l'Irak qui est au centre des sanctions américaines, deux autres commentateurs estiment quant à eux que Washington a ses raisons de faire des reproches à la Syrie. "Il y a vingt ans qu'on entend les accusations sur le Hezbollah, par ailleurs plusieurs pays de la région ont des armes chimiques et Israël à des armes nucléaires. S'il y a des sanctions aujourd'hui, c'est à cause de l'Irak", assure ainsi le politologue libanais Antoine Basbous. "La Syrie a une longue frontière avec l'Irak, qui est difficile à sécuriser, mais elle ne fait pas d'efforts. D'autre part, elle fait tout ce qu'elle peut pour s'opposer au Conseil de gouvernement transitoire irakien (installé par les Américains), et reçoit toutes les oppositions à ce Conseil", a-t-il expliqué à l'AFP. "La Syrie parie sur un échec des Etats-Unis en Irak, car si les Américains réussissent, le régime syrien, qui ne tient qu'avec ses services de sécurité, tombera", assure M. Basbous, qui dirige en France l'Observatoire des pays arabes. "En cas de victoire américaine en Irak, la Syrie va s'effondrer, avec son parti unique, son armée vétuste, son président (Bachar Al-Assad) tiraillé entre les motivations contradictoires de la vieille garde", a-t-il ajouté. Pour lui, "l'échec des Etats-Unis en Irak est la garantie de pérennité du régime syrien".

Abdel Menaem Saïd, directeur du Centre des études stratégiques d'Al Ahram, au Caire, estime lui aussi que l'Irak est au centre des sanctions contre la Syrie. "L'Irak devient très sensible pour les Américains. Ils veulent que la Syrie boucle sa frontière, ils veulent l'aide de la Syrie dans leur guerre en Irak", a-t-il déclaré à l'AFP. Ces sanctions sont certes "un moyen de se montrer bienveillant à l'égard des Israéliens", mais "le processus de paix (israélo-palestinien) n'existe plus actuellement et l'Irak est au centre" des préoccupations américaines, a-t-il déclaré. "La Syrie a une position négative concernant l'Irak, et elle n'aidera pas les Américains en Irak tant qu'elle n'obtiendra l'assurance qu'ils ne vont pas saper son régime", estime-t-il.

"Le régime syrien joue un jeu dangereux, car les Américains pourraient bien faire payer à Damas leur éventuel échec en Irak", poursuit pour sa part M. Basbous. "D'ailleurs, l'Egypte, qui mesure la colère de Washington, a mis en garde Bachar Al-Assad contre son aventurisme", a-t-il assuré, faisant référence à la visite à Damas effectuée début novembre par le président Hosni Moubarak.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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