08/04/2004 Texte

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« Algérie : Pour la première fois, il y a suspense »

Kabylie, juillet 2001 : En trois ans de conflit avec Alger, la Kabylie a vu son économie s'effondrer sous les coups des grèves et émeutes à répétition

Interview :

C'est la première fois que l'armée affiche sa neutralité. Qu'en pensez-vous ?

Antoine Basbous : L 'armée n'est jamais formellement intervenue à la veille d'un scrutin mais a toujours laissé l'illusion du jeu démocratique. Cette fois, la donne est pourtant différente car le seul candidat dont elle ne voulait pas, et qui aurait pu l'emporter, a déjà été éliminé par le Conseil constitutionnel. Les militaires ont laissé jouer la rancœur de Bouteflika ; l'aristocrate Taleb Librahimi avait en effet découvert des irrégularités dans son dossier, alors qu'il était président de la Cour des comptes. L'armée a par ailleurs été sollicitée en janvier par certains candidats pour empêcher une fraude de l'administration. Comme elle ne risque pas grand-chose entre Bouteflika et Benflis, elle cherche à se refaire une virginité. Elle connaît en effet assez bien les failles de Bouteflika pour le ramener à l'ordre si nécessaire. Quant à Benflis, il lui est loyal.

Neutralité de l'armée, candidature féminine... faut-il y voir un changement de cap pour le pays ?

Hanoune avait déjà été candidate mais cela contribue à donner une image rayonnante de l'Algérie. Une femme non voilée, un Kabyle, un jeune inconnu ... le message que l'on veut donner en substance est que tout le monde a sa chance et que la démocratie est en marche dans les pays arabes. Cette posture démocratique est censée répondre aux exigences de réformes formulées par l'Occident. Tout cela est calculé, bien que, pour la première fois, il y ait un certain suspense. Bouteflika va tout faire pour l'emporter au premier tour car il risque de perdre au second.

Quel bilan tirez-vous du quinquennat de Bouteflika ?

Il a su replacer l'Algérie sur la scène internationale, c'est indéniable, mais c'est tout. L'endettement a baissé mais il n'y est pour rien: le prix du pétrole n'a cessé de grimper. Les problèmes du pays ne peuvent être résolus par un homme qui était déjà là il y a quarante ans. Sans compter qu'il veut gouverner seul et être un nouveau Boumediene.

Qu'est-ce qui freine l'Algérie et comment sortir de l'ornière ?

Il faut du sang neuf et abandonner tous les « acquis ». L'Algérie vit encore par rapport à la guerre de 1954-1962 ; il suffit d'être fils de martyr pour entrer automatiquement au barreau ou acheter une voiture détaxée ... Le pays doit se remettre à bosser et apprendre à varier les sources de richesses. Les « baronnies » sont également une vraie plaie. Si un homme du régime est dans l'importation de viande, les containers de ses concurrents passent quinze jours à croupir au port d'Alger avant d'être livrés, il faut que ça change !

Caroline Steva

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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