26/03/2012 Texte

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Au sommet arabe de Bagdad, de nouvelles têtes et une prépondérance islamiste

Le monde arabe qui se réunit cette semaine à Bagdad affichera un visage radicalement différent de celui de sa dernière rencontre il y a deux ans, avec l'arrivée de nouveaux dirigeants se réclamant de la pensée islamiste, après le "tsunami" politique qui a balayé la région.

28 mars 2010: les dirigeants de la Ligue arabe clôturent leur 22e sommet ordinaire à Syrte en Libye, sous la houlette de Mouammar Kadhafi. A l'époque, la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens domine les débats.

Les dirigeants conviennent de se retrouver en mars 2011 à Bagdad, pour leur réunion suivante. De report en possible annulation, le sommet va enfin avoir lieu jeudi, avec un an de retard. Entretemps, Mouammar Kadhafi a été renversé et tué, et trois autres dirigeants, l'Egyptien Hosni Moubarak, le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali et le Yéménite Ali Abdallah Saleh ont été chassés sous la pression de la rue. Et pour nombre de pays occidentaux et arabes, le régime du Syrien Bachar al-Assad, contesté depuis un an par une rébellion qu'il réprime férocement, est lui aussi condamné. Le président syrien est tenu à l'écart de la réunion, son pays suspendu de la Ligue arabe et soumis à des sanctions.

Mais ce ne sont pas seulement les visages qui ont changé. "Le tsunami arabe est passé par là. Les chefs d'Etat sont +terrorisés+ par leurs peuples, et l'inverse n'est plus d'actualité", résume Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes à Paris. "Il y aura un brassage entre les anciens et les nouveaux chefs d'Etat", constate-t-il aussi.

Le Printemps arabe, immense vague de contestation déclenchée le 17 décembre 2010 quand vendeur ambulant s'est immolé par le feu à Sidi Bouzid en Tunisie, a essaimé bien au-delà de ces cinq pays: la pression populaire est toujours forte à Bahreïn, mais aussi dans certaines zones de l'Arabie saoudite, où la minorité chiite s'estime opprimée.

La tension entre sunnites et chiites dans la région n'a d'ailleurs jamais été aussi aiguë. Les révoltes, souvent lancées par des mouvements de jeunes utilisant toutes les ressources d'internet, se sont depuis traduites dans plusieurs pays par le triomphe de mouvements islamistes autrefois réprimés ou tenus à l'écart du système politique. Ces mouvements ont remporté les élections en Tunisie, en Egypte, au Maroc. Ils sont la force principale au Yémen et joueront un rôle prépondérant en Libye et vraisemblablement en Syrie en cas de chute du régime.

L'arrivée de nouveaux leaders à la Ligue arabe devrait théoriquement donner un caractère plus islamiste à cette vénérable institution, marquée durant plus d'un demi-siècle par l'idéologie nationaliste arabe.

Le riche émirat du Qatar, qui a fait feu de tout bois durant les révolutions arabes, veut rester à la tête de la commission chargée du dossier syrien, alors que le régime de Damas devrait être mis au banc des accusés.

En organisant cette importante rencontre, l'Irak veut retrouver une place prééminente dans la région après le départ des derniers soldats américains en décembre 2011. Le dernier sommet arabe à Bagdad remonte à 1990, peu avant l'invasion du Koweït. "Il sera intéressant d'observer les rapports entre l'Irak et les nouveaux dirigeants d'Egypte, de Tunisie et de Libye", déclare Reidar Visser, spécialiste de l'Irak et auteur du site historiae.org consacré à ce pays. "L'Irak souhaite se tourner vers ces pays, aux dépens des Etats conservateurs du Golfe", souligne-t-il.


Alors que la situation sécuritaire reste précaire dans le pays, Bagdad vit pratiquement en état de siège depuis plus d'une semaine. L'extrême niveau de sécurité risque de réduire fortement la portée des échanges entre délégations. "Ce sommet sera a minima: pas plus de douze chefs d'Etat passeront au mieux douze heures à Bagdad le 29 mars, et repartiront le jour même de leur arrivée", prévoit M. Basbous.

Par Amélie HERENSTEIN


 

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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